Le Chemin Parcouru est un témoignage de la vie d’Ishmael Beah pendant le conflit qui opposa le RUF et l’armée du pays pour le pouvoir en Sierra Leone.

Courte biographie de l’auteur

Ishmael Beah est né en Sierra Leone en 1980. Après avoir été enfant-soldat, période de sa vie sur laquelle il a écrit un livre, il parvient à rejoindre les Etats-Unis en 1998, avec l’aide d’une conteuse américaine qui le prend sous son aile. Il y termine ses études et est depuis dévoué aux enfants subissant le même sort que lui. Il est ambassadeur à l’UNICEF où il fait partie du Human Rights Watch dans le domaine des Children’s Rights Division.

Le succès de son livre aux Etats-Unis lui a permis d’intervenir dans le monde entier, notamment aux conférences des Nations Unies pour défendre la cause des enfants-soldats. Il a été publié aux Etats-Unis en 2007 et, par la suite, traduit en plusieurs langues, dont le français. Ishmael Beah a reçu de nombreux prix littéraires et humanitaires.

Le livre

Le Chemin Parcouru est un témoignage poignant de la vie des enfants soldats. A travers cette autobiographie, Ishmael Beah décrit chaque instant de son quotidien. Il explique peu à peu comment son adolescence a été brisée par la guerre et la mort, le transformant en une machine à tuer. L’écriture est simple et directe, allant dans le vif du sujet, retraçant cette période de sa vie avec du recul. La deuxième partie du roman est le récit de l’arrivée de l’Unicef, ainsi que sa « réhabilitation » dans un centre et son parcours jusqu’aux Etats-Unis.

L’histoire

Ishmael vivait à Mogbwemo, un village du sud de la Sierra Leone, avec son père, sa belle mère et son grand frère, Junior. Sa mère vivait avec son petit frère Ibrahim à qui il rendait visite tous les deux à trois jours.

La première fois qu’il a été touché par la guerre, Ishmael avait 12 ans. C’était en janvier 1983. Il était parti à Mattru avec des amis pour participer à un concours de Hip-Hop. Une fois arrivés à Mattru, des amis les avaient hébergés mais ils ont rapidement été rattrapés par la guerre. Les villageois avaient reçu pour ordre de rester barricadés. Pendant de longs jours, ils ont attendu, sans avoir de nouvelles. Lorsqu’ils purent enfin sortir, Ishmael, Junior et leurs amis sont partis à la recherche de leur famille. Ils voulaient retourner à Mogbwemo mais cela s’est avéré être un voyage périlleux. Sur leur chemin, ils étaient hébergé dans des villages, tous pillés, ou qui attendaient d’être attaqués. Plusieurs fois, les enfants sont tombés sur des rebelles. Lors d’une attaque surprise, Ishmael s’enfuit vers la forêt et n’a pas eu le temps de prévenir Junior. Ishmael et son copain Kaloko cherchèrent Junior et leurs copains dans la forêt et les environs. Ils retournèrent plusieurs fois au village pillé mais leurs recherches furent vaines. Ishmael prit alors la décision de partir seul pour « aller quelque part où [il] connaîtrai[t] au moins un peu de paix ».

Commence alors un périple pour Ishmael pendant lequel son ennemi est la solitude : « Ce qu’il y a de plus éprouvant quand on est perdu dans la forêt, c’est la solitude. » Pendant son parcours, Ishmael se rend compte que les habitants de la Sierra Leone n’avaient même plus confiance en un petit garçon de 12 ans. Tous les humains qu’il rencontrait se méfiaient de lui, de peur qu’il ait été enrôlé par l’armée ou le RUF.

Ishmael était épuisé lorsqu’il tomba par hasard sur des garçons de son lycée. Ils étaient six et se rendaient à Yele car ils avaient entendu dire qu’on y était en sécurité. Ishmael décida alors de se joindre à eux. De même, ils durent marcher pendant de longues journées, faire d’heureuses rencontres comme de moins heureuses. Lors d’une de ces rencontres, il leur a été donné l’indication d’aller dans un certain village où beaucoup de réfugiés de Mattru se trouvaient. Les garçons retrouvèrent alors un peu espoir de revoir leurs familles. Les sept jeunes garçons voulurent ainsi se rendre à ce fameux village mais décidèrent de partir seulement le lendemain matin. Pendant la nuit, Saidu, l’un des plus jeunes d’entre eux, succomba, probablement d’épuisement. C’était la première fois qu’Ishmael était confronté à la mort d’un de ses proches, « [il] n’arrivai[t] pas à croire que Saidu [les] avait vraiment quittés. [Il] s’accrochai[t] à l’idée qu’il n’était qu’évanoui et qu’il se lèverait bientôt. »

Ainsi les six jeunes garçons partirent retrouver leurs familles mais lorsqu’ils arrivèrent au village, celui-ci venait tout juste d’être pillé et brulé par les rebelles. Ishmael eu du mal a contrôler son énervement et sa souffrance, il devint alors violent et ses copains furent obligés de le clouer au sol pour qu’il se calme.

Le périple continue car il était dangereux de rester au même endroit. Les garçons tombèrent nez à nez avec deux soldats armés. Par un processus long et progressif, Ishmael et ses amis se retrouvèrent enrôlés par l’armée. Ainsi, Ishmael se retrouvait directement projeté au devant de la guerre. « [Son] temps se divisait entre se battre, regarder des films de guerre et se droguer. »

Au bout d’un certain temps, « un camion est arrivé. Quatre hommes vêtus de jeans impeccables et de tee-shirts blancs portant l’inscription UNICEF en lettre bleues en sont descendus. » Ishmael fut choisi pour entrer dans un centre de réhabilitation. Il a eu du mal à accepter cela et ne comprenait pas pour quoi c’est lui qui avait été choisi. Encore une fois, sa vie était entre les mains de personnes étrangères, même si cette fois-ci elles agissaient pour son bien. Cette réinsertion dans une vie normale fut plus difficile pour Ishmael que son enrôlement ne l’avait été. L’infirmière du camp, Esther, joua un rôle très important pour Ishmael ; il trouva en elle une confidente ce qui est une aide considérable pour revenir à une vie normale.

Un jour, des visiteurs de la Commission Européenne, des Nations Unies, de l’UNICEF et de plusieurs ONG sont arrivés au centre. On proposa alors à Ishmael d’être le porte-parole du centre ; il se retrouva témoin dans des conférences à Freetown, la capitale.

Par la suite, Ishmael se vit confier à son oncle, dont il n’avait aucune idée de l’existence. Ishmael était heureux là bas. Un jour, le dirigeant du centre revint le voir pour lui proposer de parler de la situation des enfants en Sierra Leone devant les Nations Unies, à New York.

A New York, Ishmael rencontra une conteuse, Laura Simms, qui se prit d’une affection particulière pour lui et qui se mit à lui écrire régulièrement après son retour en Sierra Leone.

Le jeune Ishmael qui avait maintenant seize ans retourna en Sierra Leone vivre chez son oncle. Le 25 mais 1997, une fusillade se déclencha. A la radio, Johnny Paul Koroma, chef du Conseil Révolutionnaire des forces armées, se présenta comme le nouveau président de la Sierra Leone. L’oncle d’Ishmael tomba malade et succomba à sa maladie par la suite.

Ishmael ne pouvant plus supporter cette situation, car la guerre était encore présente, décida d’appeler Laura. Il lui demanda si il pouvait venir vivre chez elle à New York, ce qu’elle accepta sans hésiter. Ishmael quitta la ville le 31 octobre 1997. Il parti avec quelques provisions et se diriga vers la gare routière. Après un énième périple et des heures d’attentes, Ishmael réussit à monter dans un car qui, il espérait, pourrait l’emmener hors du pays. Il se rendit à Conakry, capitale de la République de Guinée. Il trouva l’ambassade de la Sierra Leone où il y passa la nuit.

L’histoire se termine sur un souvenir d’Ishmael : c’est un conte qu’il avait entendu par le grand père de ses amis.

L’enrôlement

Ishmael Beah est enrôlé par l’armée de la Sierra Leone. Celui-ci est progressif. Au début, les soldats demandent des tâches simples aux jeunes enfants, comme faire la cuisine. Ishmael, quant à lui, allait chercher l’eau et faisait la vaisselle. Il dit qu’il « aimai[t] [s]’occuper de la corvée d’eau et de la vaisselle, c’était le seul moyen de [se] détourner de pensées qui [lui] donnaient de sévères maux de tête. »

Ishmael exprime donc que, dès le début, il était écoeuré par cette guerre. A cette époque, il n’en connaissait pas beaucoup sur la guerre mais il en avait déjà vu trop ; ses pensées étant la mort qu’il voyait partout où il allait et la disparition de ses amis et de sa famille : «  je revoyais des scènes auxquelles j’avais assisté, les cris de souffrance des femmes et des enfants résonnaient dans ma tête. »

Il a donc des troubles psychologiques et est en état de choc car il dit qu’il « restai[t] à l ‘écart des jeux et […] allai[t] s’asseoir derrière les maisons, fixant le vide jusqu’à ce que [ses] migraines s’atténuent provisoirement. » Ishmael réagit donc à sa manière à ce qui lui arrive ; il devient silencieux et ne parle à personne, préférant la solitude, alors qu’au début du roman c’était un petit garçon ouvert, qui aimait jouer au football avec ses amis, ainsi que danser et chanter. On voit dès le début que la guerre l’a changé.

Les  soldats savent bien que cette situation est difficile pour les enfants, d’où la nécessité de leur donner des drogues. Celles-ci permettent aux enfants d’oublier ce qu’ils ont vu, d’être dans un autre monde et ainsi d’être plus violents car, sous l’emprise de la drogue, on ressent moins de choses. Ishmael les décrit comme « des pilules blanches auxquelles [il] était devenu accro » que l’on leur tend dès qu’il font un mauvais rêve. Les enfants et les soldats fumaient aussi de la marijuana pendant leur temps libre et snifaient du brown brown, qui est un mélange de cocaïne et de poudre à canon. Ishmael avoue que ces drogues l’aidaient à tenir. Par exemple, alors qu’il a fait un cauchemar, les soldats le retrouvent trempé de sueur et tirant des balles dans sa tente. Ils lui tendent alors ces pilules blanches et il dit que dans les sept jours suivants, il « n’a eu aucun problème pour tirer sur l’ennemi »  et que ces drogues lui « donnaient de l’énergie. »

« Au début, nous avons eu l’impression d’avoir enfin trouvé la sécurité à Yele. » Les enfants sont perdus et ne savent pas où se réfugier, c’est pour cela qu’ils croient trouver la sécurité car ces soldats s’occupent d’eux et les rassurent. Alors commence l’enrôlement ; les soldats savent trouver les bonnes paroles pour consoler et apaiser ces enfants perdus. Ishmael témoigne de cela lorsqu’il dit « Je l’écoutais et j’avais l’impression d’occuper une place importante […] »  mais aussi pour les influencer et leur faire une sorte de lavage de cerveau : « C’est le moment de venger la mort de vos parents et de faire en sorte que d’autres enfants ne perdent pas les leurs. » Les chefs des armées font de longs discours pour que l’impact et l’effet qu’ils ont sur les enfants soient efficaces. Ishmael le dit, « pendant plus d’une heure, le lieutenant a expliqué… »

De plus, les soldats vont mettre en jeu le patriotisme des enfants en leur disant des choses comme « C’est le plus grand service que vous pouvez rendre à votre pays. » Il y a donc l’honneur et la dignité qui peuvent ressortir chez ces enfants, qui ne veulent pas être mal vus de leur camarades. Les discours sont un étape importante dans l’enrôlement des jeunes soldats.

Ensuite, graduellement, les soldats intègrent les fusils au quotidien de l’enfant. Tout d’abord, ils le déposent dans ses mains puis, quelques jours après, ils vont lui demander de l’utiliser sur des cadavres et enfin sur de vraies personnes. Dans le livre, Ishmael y prend goût au fur et à mesure à cause des encouragements du lieutenant : «  C’est comme ça que vous attaquez quelqu’un qui a tué votre famille ? Moi, je lui ferais ça ! » Et c’est ainsi que des actes violents sont montrés aux enfants, qui par la suite vont considérer ces actes comme normaux.

Pendant la journée, Ishmael ne se rend pas bien compte de ce qu’il lui arrive mais la nuit, il a le temps de réfléchir. Il dit qu’il « étai[t] capable de [se] mettre en colère, de [se] figurer qu[‘il] tirai[t] sur un rebelle ou qu[‘il] lui enfonçai[t] [sa] baïonnette dans le ventre. » L’enrôlement d’Ishmael est complet lorsqu’il dit « Nous les regardions brûler et je riais. » Cela nous montre qu’Ishmael est devenu une machine de guerre, qui apprécie la violence et la mort.

Le quotidien d’Ishmael une fois dans l’armée

Le quotidien des enfants soldats n’est pas très complexe. Ishmael Beah le résume très bien lorsqu’il dit « Notre temps se divisait entre se battre, regarder des films de guerre et se droguer. » Il n’y a plus aucun moment d’échange entre les enfants, aucun moment pour réfléchir seul. Ishmael dit que les seules fois où ils parlaient entre eux, c’était pour commenter le film qu’ils venaient de voir ou la façon dont untel avait tué un rebelle. Pour résumer cela, l’auteur dit « C’était comme-ci rien n’existait en dehors de notre réalité. »

Les enfants et soldats participent aussi à des entraînements de guerre d’une violence extrême. Un exemple est lorsqu’ils doivent trancher la gorge à un rebelle et celui dont le prisonnier mourrait le plus vite avait gagné.

Peu après ce moment, Ishmael confie qu’il « n’éprouvait de pitié pour personne. [Son] enfance s’était enfuie sans [qu’il s’en] rendre compte et [il] avait l’impression que [son] coeur s’était télé. »

La réinsertion

Ishmael ne cache pas que sa réinsertion à été très difficile. On le voit dès le début lorsque des hommes de l’UNICEF viennent le chercher, il cache une grenade dans son pantalon et lorsqu’on a voulu le fouiller, il l’a « repoussé et a menacé de le tuer s’il [le] touchait. » On voit donc que l’enfant ne fait plus que confiance aux soldats qu’il connait et à son quotidien d’enfant soldat.

Plusieurs fois dans le centre, les enfants font des cauchemars et se réveillent couverts de sueurs. Celui d’Ishmael est que chaque fois qu’il tournait un robinet, il voyait du sang couler. Ce cauchemar représente bien l’état d’esprit dans lequel l’enfant est  car généralement l’on rêve de ce que l’on connait.

A la perturbation de la routine il faut ajouter le manque des drogues auxquelles les enfants étaient devenus accros ce qui ne facilite pas la tâche. Ishmael le dit : « Nous étions malheureux parce que nos armes et nos drogues nous manquaient. »

De plus, les bagarres entre les enfants enrôlés par l’armée et ceux enrôlés par les rebelles sont fréquentes : « La guerre avait recommencé. » Les enfants ne peuvent pas s’en passer et veulent retrouver leur vie d’avant. L’auteur dit qu’ils étaient « dangereux » et qu’ils « avaient été conditionnés pour tuer. » La violence n’est plus une option mais un besoin.

Le retour à la normale à été largement facilité pour Ishmael par l’infirmière du centre de réhabilitation, Esther. Plusieurs fois dans la journée, elle lui demande de venir la voir. Au début, il ne veut pas toujours y aller. Alors, elle commence a lui parler de la musique, du rap en particulier, qu’il pratiquait avant la guerre. Cela l’intéresse et il commence à se prêter au jeu. Ishmael commence alors à entretenir une relation avec Esther, où ils se racontent des histoires et Ishmael parle de son passé.

Pendant son voyage à New York, Ishmael découvre une autre vie et se rend compte à quel point il à été malheureux pendant toutes ces années de guerre.

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